Emmanuel Mâa Berriet, l’artiste de la Kinect

C’est après avoir hacké la Wiimote, que l’américain Johnny Chung-Lee est embauché par Microsoft pour développer la Kinect ! En France, le pape de cet outil se nomme Emmanuel Mâa Berriet.
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Ingénieur mécanique électronicien, baroudeur du code depuis les années 80, Emmanuel Mâa Berriet se frotte déjà à la 3D sur une station Silicon Graphic. Cet artisan du numérique imagine déjà de proposer un logiciel 3D à bas coût, quinze ans avant tout le monde. Il crée alors un outil à la croisée des chemins, un couteau suisse pour jouer avec le virtuel. C’est ainsi que naît son logiciel, AAASeed, qui, au fil des ans, est devenu une usine à gaz que lui seul, tel un artiste, maîtrise pleinement.

En 2008, à La Villette, Emmanuel Mâa Berriet réalise un dispositif sur les épidémies avec 37 projecteurs, une douzaine de PC et de 31 vidéoprojecteurs (Epidemik, le jeu). « Le but était de montrer comment se répandait une épidémie », explique-t-il.

 

Emmanuel Mâa Berriet travaille principalement avec la Kinect 2, qui capture jusqu’à 8 mètres. « Quand on sait s’en servir, on arrive à avoir des sols plats. On est dans des coordonnées réelles et on peut en installer plusieurs et les lier. Elle est suffisamment précise pour réaliser des installations comme un aquarium tactile réalisé avec deux Kinects. Je sais où passent les personnes, adapter l’interaction avec les poissons et réaliser un jeu de bulles avec les enfants qui passent. Cela fonctionne bien », détaille-t-il.

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? La Kinect capture une image et, grâce à sa mire de correction intégrée et calibrée et SDK Microsoft, il récupère les informations de l’image. Celui-ci permet de récupérer les squelettes, les nuages de point (l’image de profondeur) et le face traker. Une fois intégrée par le logiciel AAASeed, cette image de profondeur est transformée en un nuage de points dans l’espace, vu de la caméra.

« À partir de cela, le but est de traiter le nuage pour le caler, le faire bouger, tourner, etc. On peut aussi changer l’axe de vue, raccourcir la focale. Ensuite, on peut détourer afin de créer des masques définis grâce aux infos du masque de points, mais aussi détourer des formes », décrit-il. Une fois la vue à exploiter choisie via le logiciel, elle est filtrée dans une étape 2D. Afin d’avoir les infos en 360 °, il est nécessaire de poser trois Kinects.

 

Véritable artiste de la Kinect, Emmanuel Mâa Berriet officie sur de l’événementiel, répond à des appels d’offre de musées, des installations d’aquarium interactif pour des centres commerciaux et réalise de plus en plus d’œuvres personnelles. « Sur de l’événementiel, l’interactivité a peu d’intérêt, il suffit qu’un technicien en régie appuie sur le bouton. C’est surtout gadget. Sur les spectacles, il a fallu attendre qu’arrivent les serveurs média pour ne pas augmenter le nombre de techniciens. De nos jours, les coûts techniques ont bien diminué. »

Une de ses dernières œuvres, Floating Point (créée en 2008 à Nantes), a été projetée du 25 novembre au 7 janvier dernier, toutes les nuits, sur la façade du Château-Neuf de Laval. Sur la surface de seize mètres sur dix, au milieu d’une myriade de points lumineux, la silhouette du passant est « captée » par une Kinect quand il s’installe sur un rectangle blanc dessiné au sol. Il peut alors interagir avec les points projetés.

Emmanuel Mâa Berriet bûche actuellement sur un PopUp Store qu’il va tourner en Asie, ainsi que sur deux œuvres. L’artiste dompte un nouvel outil, l’Axidraw, un robot à dessin. 

 

Article paru pour la première fois dans Sonovision #14, p.42Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.