30 ans au service de la créativité…

Analog Way fait partie des rares sociétés françaises high-tech à concevoir et fabriquer dans l’Hexagone ses propres solutions dédiées au monde de la communication, de l’intégration audiovisuelle et du divertissement. Entretien exclusif avec Adrien Corso, directeur général, et Philippe Vitali, directeur marketing et communication, à l’occasion des 30 ans de la société.
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Sonovision : Analog Way célèbre son trentième anniversaire cette année. Belle occasion de nous retracer brièvement son historique…
Adrien Corso : Analog Way est née en 1989, fondée par deux amis d’enfance dans un garage à Palaiseau, oui encore un garage ! Cette belle histoire a connu plusieurs étapes. La première, celle d’une start-up. Deux ingénieurs en électronique créent une entreprise pour être libres de développer ce qu’ils veulent. Un état d’esprit qui a son importance aujourd’hui encore. De la pensée de ces hommes un peu iconoclastes, qui réfléchissaient différemment, découle d’ailleurs le nom de la société. À une époque où tout le monde parlait déjà de digital, ils décident de s’appeler Analog Way, histoire de ne pas faire comme les autres ! Penser « out of the box », essayer de surprendre, font toujours partie de notre ADN.

Progressivement, ils ont trouvé leur voie dans le Pro AV qui commençait à décoller et ont inventé des produits impressionnants. Le premier switcher seamless, c’est eux. Le premier mélangeur data vidéo, idem. Leur plaisir était de créer le produit, l’industrialiser, le fiabiliser.

 

S. : Les années 2000 marquent l’explosion du soft embarqué…
A. C. : La révolution dans tous les domaines de l’électronique embarquée ! Tout à coup, le soft devient plus important que le hard. Et dans des proportions qui, aujourd’hui, sont significatives. Dans les années 2000, changement de paradigme. L’un des cofondateurs décide de quitter l’entreprise progressivement, et cela se passe bien. Fin des années 2000, le second cofondateur comprend qu’il va falloir changer les méthodes de travail, professionnaliser la société. S’il veut survivre face aux concurrents, il lui faut monter en gamme, être plus innovant, investir davantage en R&D. Et pour que tout cela soit rentable, exporter. On entre alors dans le schéma d’une entreprise globalisée, l’internationalisation d’Analog Way commence à ce moment-là. Elle a permis à Analog Way de rentabiliser ses efforts énormes de R&D, ce qui aurait impossible sur le seul marché français.

 

S. : Et c’est en 2009, vingt ans exactement après sa création, que vous rejoignez l’entreprise…
A. C. : C’est en effet à ce moment-là que le cofondateur demande à une nouvelle équipe de le rejoindre, une nouvelle génération de managers desquels nous faisions partie, afin d’accroître la rigueur dans la conception des produits, l’organisation, la gestion des process. Sa formule était « Analog Way, c’est un diamant qui a besoin d’être poli ». Il n’y avait pas le choix, il fallait monter en gamme. Et pour cela, l’entreprise détenait un vrai potentiel. En rencontrant les clients, nous nous sommes rendu compte qu’ils entretenaient un lien affectif étroit avec la marque. À partir de 2009, nous avons donc entrepris un gros travail de restructuration de l’entreprise.

 

S. : Quand et avec quel produit le marché s’est-il rendu compte de tous les changements opérés chez Analog Way ?
Philippe Vitali : En 2013, quand nous avons sorti la gamme LiveCore. Ces processeurs d’images résultaient d’une nouvelle stratégie d’entreprise. Nous avions compris que, pour monter en gamme et mobiliser une masse critique de R&D, il nous fallait nous concentrer sur le segment d’offre le plus haut de gamme que nous avions à l’époque : les switchers de présentation. Nous nous sommes focalisés essentiellement sur cette application de présentation live premium. « Live » parce qu’il faut que cela soit très basse latence et c’est la marque de fabrique Analog Way. « Premium » parce qu’à très grande échelle, avec une très haute résolution et une énorme capacité à gérer toutes sortes de formats à la fois. « Mission critical » aussi ; il s’agit de machines construites comme des tanks, qui ne tombent jamais en panne. C’est tout cela que nous appelons « premium ». Nous avons défini ce marché, cette application, en cherchant à devenir les champions du monde de la présentation live premium.

Et puis la marque de fabrique Analog Way, c’est aussi le soft. Nous sommes arrivés avec le premier soft basé sur le web, multi-opérateur, multisession, avec télémaintenance, etc. Une machine Analog Way doit jouir de fonctionnalités très avancées, mais aussi être facile et fun à utiliser. Nous avons fortement pensé à celui qui s’en sert, il doit ressentir du plaisir parce que l’interface est simple, graphique, sympathique et évite les erreurs.

 

S. : Le Rental & Staging constituait votre principale cible ?
A. C. : En 2013, avec les LiveCore, nous visions essentiellement le rental & staging européen. Le succès fut énorme. En quelques années, nous avons doublé le chiffre d’affaires de l’entreprise. Ensuite, nous avons été contactés pour faire du premium signage. Typiquement, nous avons installé un des plus grands murs de Time Square. 

 

S. : Que se passe-t-il ensuite ?
P. V. : Des utilisateurs jugent nos produits bons, mais nous demandent davantage de sorties et de monter en résolution. Nous nous sommes alors lancés dans une nouvelle génération de produits. Du LiveCore nous passions au LivePremier, et de l’Ascender à l’Aquilon.

Nous avons alors développé cette nouvelle plate-forme LivePremier dans un contexte totalement différent. Nous étions en contact avec des clients renommés qui se disaient prêts à participer à sa mise au point. Il est le projet le plus ambitieux qu’on n’ait jamais eu. Cette fois, notre objectif était clair : sortir la machine hyper versatile la plus puissante du monde et être vraiment numéro 1 technologiquement ! Si le staging est un marché traditionnel pour nous, notre cœur de cible, toute la présentation corporate est devenue progressivement notre autre point fort.

 

S. : Estimez-vous le marché extensible ou redoutez-vous qu’une fois que les sociétés, tourneurs, boîtes événementielles seront tous équipés, la marge de progression s’avérera pratiquement nulle ?
A. C. : Il y aura toujours besoin, dans le rental & staging, de se différencier avec des machines toujours plus performantes, tout en étant plus faciles à utiliser. Il arrive qu’on change un équipement juste pour gagner en productivité. Maintenant que les budgets sont un peu tirés, qu’on n’a plus qu’une heure pour programmer un show, contre une demi-journée auparavant, la facilité d’utilisation devient essentielle.

P. V. : Et j’ajouterai que désormais le monde du staging a un besoin énorme de sorties vidéo pour alimenter non seulement l’écran principal, toujours plus grand, mais aussi tout le reste : les downstage monitors, le recording, le streaming, la traduction en temps réel, les salles annexes, etc. Aujourd’hui, il faut des machines non seulement puissantes, mais qui offrent des capacités d’entrée-sortie versatiles, et surtout nombreuses.

A. C. : Néanmoins, d’après Infocomm, le marché rental & staging ne représente que 10 % du processing en général ; le gros marché, c’est l’installation fixe. Et celui-ci affiche un énorme potentiel. Pour nous, le potentiel de croissance consiste déjà à apporter un haut niveau de performance, là où certains se contentaient de moins bien. Finalement, ils se rendent compte qu’un processeur haut de gamme contribue à transmettre le message, à valoriser l’orateur et l’organisation qui communique.

 

S. : Il y a deux ans, vous avez racheté Picturall. Pourquoi et quels changements ce rachat a-t-il engendrés ?
A. C. : Nous avons, en effet, racheté cette société finlandaise qui conçoit des médias serveurs et qui est filiale à 100 % d’Analog Way depuis le mois de janvier dernier. Il arrivait que nos produits soient utilisés avec des médias serveurs, lesquels s’avéraient parfois être le talon d’Achille de l’installation en termes de fiabilité. Nous avons alors cherché une plate-forme de médias serveurs qui serait conçue comme nous l’aurions fait nous-même, autrement dit avec un système le plus stable possible et une rigueur dans la conception du produit similaire à ce qu’accomplissent nos ingénieurs. Et nous avons trouvé cette société disposant d’une plate-forme technique puissante basée sur Linux, ce qui pour nous était un gage de fiabilité et stabilité.

L’objectif est de reprendre la recette d’Analog Way et de l’appliquer au média serveur pour en faire une machine haut de gamme et mission critical. On est ici dans le playback, il n’y a plus de live, mais il s’agit toujours de grandes surfaces d’affichage. La machine ne doit jamais tomber en panne, être facile à installer, à intégrer et à utiliser. Et à cette fin, nous réutilisons toute l’expérience acquise sur les processeurs.

 

S. : Vous fabriquez tout ici. Quels sont les délais de fabrication pour sortir une nouvelle machine ?
A. C. : Pour nous, pouvoir livrer vite est un facteur crucial de succès. Alors nous avons du stock, des machines sur les étagères, ou tout du moins les composants. Nos machines sont hyper modulaires, avec le même type de composants, nous pouvons fabriquer différents types de produits, puis faire de la différenciation tardive pour pouvoir livrer rapidement.

 

S. : Que pensez-vous du marché du e-sport ? Comment le situez-vous dans votre business plan ?
P. V. : Nous sommes plutôt bien armés pour ce nouveau segment, notamment avec notre nouvelle plate-forme LivePremier qui offre une grande capacité d’entrées/sorties et de PIP, le tout avec une latence extrêmement faible et une grande versatilité, ce qui est fondamental dans le cas du e-sport. Nous avons un certain nombre de projets qui se réveillent en Europe et ailleurs dans le monde.

A. C. : Les sociétés de jeu vidéo ont toujours été des clients d’Analog Way, surtout sur les salons, quand il s’agit de mettre en valeur des éléments. C’est du multifenêtrage, du temps réel, de la bande passante, indiscutablement ce nouveau marché se développe.

P. V. : Et clairement nous voulons en être, son potentiel pour nous est élevé.

 

S. : Sur un autre registre, la partie installation fixe, pour des universités, des amphis, des entreprises de taille moyenne, estimez-vous vos produits taillés en conséquence ou s’agit-il de marchés mal adaptés à vos budgets ?
A. C. : Il s’agit clairement de marchés ciblés si on parle de l’éducation en général. Nous ne sommes pas présents dans les salles de cours. En revanche, il y a de fortes chances de nous trouver dans les auditoriums.

P. V. : En effet, dès que la surface d’affichage implique deux sorties vidéo ou plus (affichage panoramique multi-projecteurs par exemple) il est souvent nécessaire d’utiliser des PIP pour occuper l’espace visuel et diffuser le contenu d’une caméra ou d’un PC, ce qui correspond parfaitement à la fonction d’un switcher de présentation live.

 

S. : Nous avons jusqu’ici beaucoup parlé de vos produits phares, les plus valorisants, qu’en est-il de vos autres références ?
A. C. : Nous vendons aussi tout ce qui va autour de ces produits : du soft, des drivers, des multi-convertisseurs, des consoles de contrôle… Ce multi-convertisseur que vous voyez, le VIO 4K, était le seul à son époque (et pendant longtemps) à faire du 4K, à couvrir tous les formats. « All in, All out », il est capable de convertir n’importe quel format existant en n’importe quel autre format existant, de la 4K60 au bon vieux analogique. Vous avez des fabricants d’avions de chasse qui l’utilisent pour leurs essais. Nous sommes très fiers qu’il ait été qualifié par la Nasa pour son lanceur qui ira sur Mars, pour traiter tous les flux de caméras entre le lanceur et cap Canaveral. Outre la Nasa, de nombreuses autres sociétés prestigieuses, que nous ne pouvons pas citer, utilisent nos équipements dans le monde…

 

S. : Pourriez-vous dire un mot sur l’académie, expliquer ses tâches ?
A. C. :  Le concept de notre académie en France est de former les utilisateurs ainsi que les formateurs agréés. Comme les candidats sont nombreux, nous avons des partenariats avec d’autres sociétés de formation. Nous formons et certifions également nos formateurs européens et asiatiques qui organisent ensuite leurs propres formations dans leurs pays respectifs.

P. V. : Nous parlons de formations certifiantes qui durent 2-3 jours selon la complexité du produit ; ils repartent avec un diplôme et sont visibles sur notre site web en tant que certifiés sur les gammes LiveCore, LivePremier et Picturall.

A. C. : Un opérateur certifié a suivi la même formation aux États-Unis qu’à Hong Kong. Aux États-Unis, qui forment un bloc cohérent en termes de langue, l’Analog Way Academy, basée à Atlanta, forme directement tous les utilisateurs.

 

S. : Faites-vous de la vente directe ? Via un réseau ?
A. C. : Tout dépend des pays, mais très rares sont ceux où nous pratiquons la vente directe. On ne vend jamais au client final, mais à l’intégrateur, voire parfois à de gros stagers. En France, nous traitons en direct pour des raisons historiques. La plupart du temps, nous vendons soit en indirect pur, soit de manière mixte, via un distributeur, épaulé par notre propre force de vente pour la partie conseil, démo et pré-vente. Nous nous chargeons alors de promouvoir la marque et allons voir les clients finaux, mais sans leur vendre le produit.

 

S. : Jetons un œil sur le « monstre » et son design modulaire. Combien de cartes le LivePremier peut-il accueillir ?
P. V. : Tout dépend du châssis, là on a un châssis 4U, mais il existe une variante 5U. Nous allons mettre jusqu’à 24 entrées, 6 x 4 cartes, et jusqu’à 20 sorties 4K. C’est exactement le concept. Cette modularité est importante d’un point de vue design, fabrication…

A. C. :  …et maintenance ! La machine a été conçue pour faciliter la maintenance. La modularité va néanmoins bien au-delà du nombre d’entrées et sorties, elle est aussi dans la quantité de processing. Vous avez des cartes de processing, vous pouvez en mettre plusieurs et vous aurez plus de PIP, plus d’images fixes en mémoire. C’est vraiment la force de cette machine pour les consultants, les intégrateurs en installations fixes.

P. V. : Plusieurs autres fonctionnalités sont uniques, cette machine est par exemple la seule de ce type à être capable de désembedder de l’audio, le sortir via une carte Dante qu’on a ici, sur du réseau Dante, envisager un mixage Dante avec ces flux, mais aussi le reste des flux qu’on a dans l’événement ou l’auditorium, notamment les micros ; réinjecter des flux et les réembedder, pourquoi pas, sur des sorties pour faire du recording, du streaming.

A. C. : La concurrence n’a pas cette architecture particulière, laquelle constitue un des points forts des produits Analog Way. Nous avons commencé avec le LiveCore, mais avec LivePremier nous apportons encore beaucoup plus de confort et une meilleure résolution.

 

S. : Des idées sur le futur ?
P. V. : On envisage de coupler plusieurs machines entre elles pour créer des canevas pixellaires encore plus grands, mais aussi de développer d’autres cartes d’entrées/sorties avec d’autres connectiques (fibres, IP, etc.).  

 

Article paru pour la première fois dans Sonovision #17, p.52-56. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.