Rouchon Paris, agitateur de pixels

Sous l’impulsion de son président, Sébastien Rouchon, le studio Rouchon Paris développe une approche atypique de la photographie, reposant sur des racines familiales ancrées depuis plusieurs générations dans l’univers de la photo, mais avec une furieuse envie de bouleverser les codes. Ce mélange entre photographie, modernisme, pixels, mouvement est le « mojo » de Rouchon Paris qui vient de démarrer l’année 2017 avec un nouvel outil magique, un paquebot de luxe amarré au cœur des anciens magasins généraux de Paris, à la Plaine-Saint-Denis.*
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La famille Rouchon est sur le créneau depuis de nombreuses années : grand-père, père, oncle, tous ont baigné dans le bain argentique ; et la nouvelle génération, en la personne de Sébastien, a décidé d’agiter les pixels.

« J’ai passé mon enfance dans les studios photo, puis stagiaire ou assistant, j’ai vécu une adolescence entre les mannequins, les flashes et la peinture pour repeindre les cyclos et me faire de l’argent de poche pour partir en vacances. Toutefois, à un moment, j’ai bifurqué et je me suis intéressé à l’image animée. Durant mes études, j’ai dirigé la télévision locale de Paris Dauphine. J’ai monté ma première entreprise avec comme offre de services le développement web et la production institutionnelle », nous confie Sébastien Rouchon.

Ce dernier, qui a donc les pieds dans la photographie et la tête dans la vidéo, est rattrapé par l’ADN familial. En 2007, Sébastien Rouchon reprend les rênes de la société et met de côté l’audiovisuel. Il s’agit d’un moment charnière, car quelques années plus tard la crise financière impacte les budgets et la photo poursuit sa mue de l’argentique vers le numérique.

« La crise financière, le numérique ont changé les méthodes de travail. Les budgets ont diminué, le volume de production s’est contracté. Nous faisions 50 % de notre chiffre d’affaires avec la presse ; nous sommes descendus à 20 %. Mon rôle de chef d’entreprise est d’avoir une vision, d’imaginer comment nos métiers évoluent et comment nos activités vont se développer. À cette époque, je voyais l’arrivée des smartphones, des tablettes. Il m’apparaissait logique que ces nouveaux écrans allaient avoir besoin de nouveaux contenus. »

 

Un petit pas vers l’image animée

La société Rouchon est présente sur le secteur du luxe, de la mode. Sébastien Rouchon a vu le potentiel que la vidéo pouvait avoir sur ce marché. La société change de nom en 2013 et s’appellera désormais Rouchon Paris. La société investit dans des appareils photo numériques DSLR, des moyens de postproduction et même dans des caméras : une Red Epic et un caméscope FS7 Sony. « Le but est de cultiver des compétences, des savoir-faire sur des domaines de rareté où la société peut exprimer ses différences, sa créativité. La question est de savoir comment donner du mouvement à une photo sans la dénaturer. »

Le studio Rouchon Paris, pour mettre en scène cette idée, a créé « Hardi », un magazine Ovni conçu pour iPad qui utilise les technologies de l’iPad comme le tactile, l’interactivité, les détecteurs de mouvements pour animer les images. « Hardi » est né de la vision de son fondateur et du talent de ses équipes. Ses contenus se veulent un aperçu des images de la presse et de la publicité de demain. « Hardi » est un laboratoire pour expérimenter de nouvelles formes de contenus et mettre en avant le savoir-faire et la créativité des équipes de Rouchon Paris.

« En partant du postulat : pourquoi une photo ne devrait-elle faire qu’une seule image ? Hardi est né. L’idée était de produire les contenus les plus complexes, la vidéo interactive animée et de pouvoir décliner la version photographique. Jusqu’à présent, le marché n’est pas mature et la production de magazines enrichis pour iPad ne décolle pas. Ce fut pour nous un vrai labo et nous avons beaucoup appris sur ce projet en termes de production audiovisuelle classique. »

Sébastien Rouchon a un peu bouleversé l’ordre établi et poussé les photographes à pratiquer l’image animée et à tourner en vidéo. « Il y a une demande de nos clients de faire de la vidéo, autant que ce soit nous qui réalisions ces images plutôt que de sous-traiter. Il faut convaincre les acteurs du monde de la photographie que nous sommes différents. Nous travaillons principalement sur la pub print, pour la mode et le luxe, qui impliquent des méthodes différentes de celles de la pub TV. En photo, nous avons des équipes polyvalentes, réduites, mais qui s’entraident. Depuis deux ans, nous avons une explosion de la demande en vidéo d’où notre déménagement. »

 

Nouveau lieu, nouveaux projets

Rouchon Paris vient tout juste d’emménager sur le site des anciens magasins généraux de la Plaine-Saint-Denis. Au total, plus de 3 000 mètres carrés de superficie pour accueillir collaborateurs et clients dans un cadre exceptionnel. Cette installation correspond pour Rouchon Paris à sa volonté de rester leader sur son marché.

« La concurrence internationale est telle », poursuit Sébastien Rouchon, « que pour préserver notre place et nos métiers, il devenait impératif d’offrir à nos clients l’environnement idéal de travail : plus grand, plus rationnel, avec des activités hybrides de photo, vidéo et création digitale. »

Ce nouvel espace comprend sept plateaux, dont trois avec double hauteur sous plafond (7 mètres) et trois en lumière du jour, dont un avec une grande verrière, chacun pourvu de cabines et de salons. Le Big One avec ses 360 mètres carrés, ses 170 mètres carrés de cyclo et ses 7 mètres sous plafond permet de faire entrer des véhicules et devient le plus grand cyclo disponible de Paris.

Ont également été aménagés un grand atelier pour les livraisons et la fabrication de décors, deux salles de montage et un studio d’enregistrement son. Facile d’accès, cette nouvelle implantation est adaptée aux livraisons et au déchargement du matériel. Le déménagement a aussi été l’occasion de renouveler le parc de matériels photo et vidéo.

Le site Icade renforce sa dimension audiovisuelle avec l’arrivée de Rouchon Paris qui prend place dans l’ancien studio 103, entièrement modernisé et réaménagé. Le studio 103, ancien siège d’Endemol France, connu entre autres pour le tournage de « Loft Story » ou plus récemment de « Groland », a été réaménagé par l’architecte Jeanne Dumont. Son parti-pris architectural a consisté à respecter le bâtiment, optimiser l’existant et privilégier des matériaux éco-responsables pour l’isolation thermique, l’éclairage et les cloisons.

Ainsi, les choix se sont-ils portés sur une installation de murs OSB (panneaux de bois recyclé), une isolation périphérique de tout le bâtiment et d’une partie des combles, un ponçage et polissage du sol en béton existant sans ajout de matière, des matériaux bruts non peints et, pour un gain d’énergie, la réfection de toutes les menuiseries extérieures, un chauffage et une climatisation par pompes à chaleur, et enfin un éclairage à base de Led. Tout le chantier, démarré en avril, a été placé sous le signe de la responsabilité environnementale.

Les professionnels de l’image trouveront un espace détente à l’accueil, un coffee shop, un coin feu à l’étage près du restaurant, des espaces pour téléphoner, discuter, faire une pause, une salle de réunion privative, un jardin, ainsi qu’une grande terrasse au premier étage, exposée plein sud. Ils bénéficieront toujours des services du chef cuisinier proposant des menus sur mesure, des horaires adaptés à ceux des équipes. Les services de la conciergerie et de la maîtresse de maison sont également proposés.

Facile d’accès, Rouchon Paris se trouve dans un espace gardienné et sécurisé, avec des facilités de stationnement. Plus fonctionnel, l’espace répond aux normes de sécurité et d’accessibilité PMR.

Aujourd’hui, les Studios Rouchon et Astre, situés à mi-chemin entre la tour Eiffel et les Invalides, comprennent trois plateaux, dont un grand cyclo de 250 mètres carrés. En ces lieux se croisent divers milieux : la mode, la pub, la haute couture, parfois l’événementiel et le cinéma ! « Toutes les plus grandes marques, les plus grandes agences et les plus grands magazines viennent shooter leurs catalogues, leurs campagnes, leurs couvertures et leurs séries mode. Nous accueillons régulièrement des évènements (lancement presse, présentations de produits, défilés et cocktails privés) pour les plus grandes marques ».

Ce sont aussi des lieux de culture où sont organisées régulièrement des expositions photo, mêlant les recherches artistiques et les pratiques personnelles de différents photographes et plasticiens qui ont attiré l’attention de Rouchon Paris.

 

Un peu d’histoire

Dans les années 50, un photographe de mode se devait d’avoir son propre studio. Le couple Jacques et Françoise Rouchon l’avait compris en transformant dès 1952 leur appartement en lieu de prises de vues, puis en faisant l’acquisition en 1959 d’un local près des grands ateliers des couturiers dans lequel ils installent un nouveau studio. La clientèle est très large : des grandes agences de publicité (Publicis, Havas ou Synergie) aux magazines de mode tels « Modes & Travaux », « Marie-Claire », « Grazia » (Italie), « L’Officiel de la Couture », « Bazar » (Italie), tous font appel au talent du photographe.

Dans les années 70, la vente par catalogue est en plein essor. Jacques Rouchon s’associe alors à deux autres professionnels, Jean-Claude Dewolf et Henri Mardyks. Pour répondre à la demande qu’ils pressentent, le trio s’installe en 1973 rue du Fer à Moulin, près des Gobelins, dans des locaux beaucoup plus grands et créent les Studios Associés.

Puis, dans les années 80, les fils Rouchon, Thierry et Patrick, qui avaient repris les studios au décès de leur père en 1981, réalisent qu’il y a une forte demande de location avec l’arrivée de photographes indépendants. Eux-mêmes photographes, régulièrement absents, ils démarrent la location des studios.

À l’arrivée du numérique, Florence Scalabre, l’épouse de Patrick Rouchon, qui avait pris la direction des studios en 1988, crée en 2000 la société Janchon pour la retouche numérique et, en 2003, un département de capture numérique (DDC). Pionniers de la photographie digitale pour les professionnels, les Studios investissent dans du matériel, forment des techniciens et des opérateurs pour accompagner les photographes dans la transition de l’argentique vers le numérique.

En 2004, locataires des lieux de la rue du Fer à Moulin, les studios sont menacés d’expulsion suite à la vente des locaux à un promoteur immobilier. La profession se mobilise pour soutenir ce lieu, devenu mythique. Puis, arrive Sébastien Rouchon en 2010, la troisième génération.

 

* Article paru pour la première fois dans Sonovision #6, p.42-43. Abonnez-vous à Sonovision pour accéder à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.