Une communication 100 % immersive avec la Freeroom VR…

Aigües de Barcelona (groupe Suez) et Mediapro Exhibitions ont lancé en janvier The Zone of Hope, une installation mêlant réalité virtuelle, décors réels et motion capture. L’objectif : une sensibilisation immersive au risque climatique.

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Barcelone, année 2098. Les glaciers arctiques ont fondu et les lacs pyrénéens se sont asséchés. Un mètre d’eau a transformé la capitale catalane en Venise des temps modernes. Un scénario catastrophe ? Pas forcément : cette vision apocalyptique se base sur de récentes études scientifiques en la matière.

Ce sombre avenir, on peut le découvrir à The Zone of Hope. Installée en plein cœur de la capitale catalane toute l’année 2018, cette expérience immersive en réalité virtuelle affole les sens et bouscule la conscience.

C’était l’objectif d’Aigües de Barcelona (groupe Suez), principale compagnie des eaux de Catalogne. En s’appuyant sur Mediapro Exhibitions, elle a créé une installation high-tech permettant de vivre les risques liés au changement climatique.
 Une façon de rendre concret un concept abstrait, selon Manu Cermeron, cadre de Suez Espagne et commissaire de l’exposition. « On a tous entendu parler des émissions de gaz à effet de serre, des problèmes d’accès à l’eau, précise-t-il. Mais la population voit encore 
le réchauffement climatique comme quelque chose de très lointain. » Aigües de Barcelona 
a donc choisi de plonger le visiteur dans cette réalité, plutôt que de simplement l’évoquer.

 

Unique au monde

Repoussant les limites de la réalité virtuelle, leur système nommé « Immersive Extre
me » fait partie des premiers dans le monde 
à utiliser le « Freeroom VR » qui mélange mouvements réels et univers virtuel. Mais à la différence d’autres projets, l’objectif n’est pas que ludique. « Ici, on ne cherche pas à tuer aliens, fantômes ou autres ennemis, sourit Sergi Sagas, codirecteur de Mediapro Exhibitions. On est dans la sensibilisation sociale. »

Si le projet est « unique au monde », selon ses promoteurs, c’est qu’il cumule de nombreuses innovations techniques. En début d’expérience, en plus du casque et des écouteurs, les visiteurs sont équipés de marqueurs passifs (boules blanches) sur la tête, les mains, les épaules et les pieds. « Grâce à la Full Body Motion Capture, on obtient un avatar complet qui reproduit les mouvements dans l’univers à 360 degrés. » Il est possible de se voir, et d’interagir avec les autres. Et l’environnement n’est pas que virtuel. « On mélange réalité et VR, détaille Sergi Sagas. Tout ce que l’on voit, on peut le toucher. » Ressentir le froid de la glace, tourner un volant, faire glisser ses mains sur les vitres ou les grillages… Les éléments du décor virtuel sont synchronisés avec des surfaces réelles. L’œil et la main perçoivent donc la même chose. « C’est ce qui rend l’expérience complètement immersive. Il ne s’agit pas seulement de toucher : les visiteurs ont des choses à faire dans chaque salle, comme appuyer sur des boutons. »

 

VR et motion capture  

Le niveau de détail est poussé à l’extrême :
 on perçoit également odeurs, effets de vent, vibrations… même la température des pièces s’adapte à l’image ! De quoi plonger dans l’expérience comme rarement. « Jusqu’à aujourd’hui, en Europe, la technologie VR consistait à rester assis ou debout, mais statique, et se déplacer avec des contrôleurs, résume Elisabet Berges, directrice technique des contenus de l’exposition. Transporter les visiteurs dans l’environnement, cela change totalement leur perception. »
 Labsid, start-up catalane en pointe sur la réalité virtuelle, a apporté son savoir-faire.
 « Ils avaient déjà la connaissance technologique, les logiciels dédiés », confie Sergi Sagas. Mediapro Exhibition se chargeant du script, de l’intégration et de l’installation, et Labsid de l’engineering.
 Les deux piliers de l’expérience : un moteur VR, ici basé sur Unreal 4, et un système de motion capture composé de 80 caméras OptiTrack à lumière infrarouge balayant l’espace 120 fois par seconde. Une intelligence artificielle, conçue par Labsid, réalise les calculs en temps réel et produit 180 images par seconde (90 par œil en stéréoscopie) à partir des informations de capture.

Les informations sont envoyées à l’utilisateur, qui porte un sac à dos technique à même de générer les images et les transmettre aux lunettes VR. Développé l’an dernier, le projet s’appuie logiquement sur des technologies de 2016, comme les lunettes Oculus Rift. Ce qui limite le rendu visuel, alors que les images sont générées en 8K ! « Pour que cela soit vraiment immersif, le plus important était d’optimiser les contenus et la partie technologique, que le rendu ait une grande fluidité, sans latence », nuance Sergi Sagas. À cela s’ajoutent les éléments de décor, et les appareils générant les sensations, proches de ceux que l’on trouve dans les salles 4D. L’expérience fonctionne de façon automatique, via une régie d’ordinateurs contrôlée en permanence par un technicien.

 

Un succès public

Le plus complexe, ce fut de s’adapter à l’espace de 450 m2 choisi. « Plutôt qu’un entrepôt industriel mal situé, nous avons préféré un bâtiment en plein centre-ville, raconte Manu Cermeron. Une exposition comme celle-là, on doit la trouver sur son chemin. » The Zone of Hope prend donc place dans une galerie du XIVe siècle, dont les murs en pierre atteignent un mètre d’épaisseur ! « C’est un véritable petit labyrinthe, avec un plafond très bas, parfois en dessous des deux mètres », sourit Sergi Sagas. Le pire pour un tel projet ! Cela explique la multiplication des relais wi-fi et des caméras de tracking. « Nous avons mis de nombreuses couches, pour pouvoir couvrir l’espace. Labsid a dû faire beaucoup de développements technologiques pour que cela fonctionne dans ces conditions. Mais leur intelligence artificielle sait gérer cela. »

En juin, 10 000 personnes, dont 2 000 scolaires de 53 établissements, avaient déjà exploré la Zone. « D’ici la fin de l’année, on devrait dépasser les 25 000 personnes », estime Manu Cermeron. Ce qui est une performance pour un site qui ne peut dépasser les 16 visiteurs par heure. L’accès est d’ailleurs gratuit pour les Barcelonais et les clients de Suez Espagne. « Le groupe Suez en général, et en particulier Aigües de Barcelona, porte dans son ADN la notion de développement durable, argue Manu Cermeron. Offrir cette expérience est une façon de contribuer à lutter contre le changement climatique. Plus il y aura de visiteurs, mieux ce sera. »

La surprise est dans la typologie du public : en plus des jeunes, principale cible, on compte beaucoup de personnes de 40 à 80 ans ! « Les aînés se montrent très curieux face à l’expérience, s’amuse Elisabet Berges. Cela les rapproche de leurs petits-enfants. »

Et l’impact semble énorme. « Il arrive que 
des gens terminent l’expérience en pleurant, ajoute-t-elle. La sensation est très intense. » En fin de parcours, des écrans tactiles proposent de prendre des engagements simples : économiser l’eau, trier les déchets, limiter le gaspillage… Et tout le monde s’engage ! « Les gens disent que cette expérience les change, s’enthousiasme Elisabet Berges. Ils ressortent avec la conviction qu’il faut agir. »

 

Nouvelle façon de communiquer

Une révolution dans la communication corporate ? « The Zone of Hope montre que l’on peut faire une communication incitative et accessible autour d’un thème complexe, répond la directrice technique. Les choses, quand on les ressent, on les intériorise mieux. C’est plus fort que de lire, entendre, apprendre… » D’ailleurs, le projet suscite beaucoup d’intérêt : le constructeur mobile Huawei devrait reproduire le même type d’expérience à Barcelone. « Cela peut permettre aux organisations de communiquer plus efficacement, avec un impact puissant », signale Manu Cermeron.

Le groupe Suez réfléchit d’ailleurs à transposer l’idée dans d’autres villes. « Cette expérience fut pensée dès le départ pour pouvoir voyager, confirme Elisabet Berges. Même si elle est pensée autour de Barcelone, beaucoup de travail n’est plus à faire : le concept, le software, le matériel… »

Il faudra adapter le scénario et les images.

« À Paris, au lieu de montrer la Plaça Espanya, on pourrait voir les Champs-Élysées avec un mètre d’eau, suggère Manu Cermeron. Pour que les gens soient touchés, il faut montrer des lieux qu’ils reconnaissent tout de suite. »

Au total, il juge que reproduire l’expérience demande un budget dépassant le million d’euros. « Mais quand on voit l’impact, le résultat en vaut la peine ! »

 

The Zone of Hope, Carrer dels Arcs 5, à Barcelone. Jusqu’au 20 janvier 2019. Réservation obligatoire sur internet (15 € pour les non-locaux) : thezoneofhope.com

 

 

Mediapro Exhibitions, référence de l’expérience vidéo

Le groupe audiovisuel espagnol Mediapro, qui collabore en France avec le groupe BeIN, vient de faire parler de lui en France : il a obtenu les droits de la ligue 1 de football. Depuis 10 ans, sa division Exhibitions est devenue un acteur de poids des expériences technologiques et de la muséographie. Ils ont ainsi collaboré, par exemple, avec les musées du Real Madrid et du FC Barcelone, ou l’ArtLab de Lausanne. Actuellement, l’équipe travaille sur le musée de l’Olympique de Marseille. Mais également sur la création du Messi Experience Park, immense parc d’attractions en Chine.

 

Le Freeroom VR en plein développement

Les expériences intégrant le Freeroom VR se multiplient. La plupart proposent des jeux à la première personne : Zero Latency (présent dans dix pays, dont Madrid, en Espagne) The Void (aux États-Unis, Émirats et à Londres), Imax VR (États-Unis et Manchester) et Dreamscape, qui arrive en Angleterre. Un seul projet porte un objectif social, comme The Zone of Hope : Carne y Arena qui sensibilise Washington à la question des migrants.

 

 

* Article paru pour la première fois dans Sonovision #12, p.18/19. Abonnez-vous à Sonovision (4 numéros/an + 1 Hors-Série) pour accéder, à nos articles dans leur totalité dès la sortie du magazine.