Les habits de lumière de la vidéoprojection monumentale

Avec le mapping 3D sur façades de bâtiments ou en événementiel, les spectacles de la vidéoprojection monumentale séduisent un public de plus en plus large.
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Les fresques lumineuses géantes en plein air sur les façades de châteaux ou de cathédrales, se sont démocratisées ces dernières années. Ces événements très populaires, mis en œuvre par les musées ou les municipalités, peuvent drainer des foules de plusieurs centaines de milliers de personnes, badauds et touristes. Le défi technique est de réussir le mapping 3D, c’est-à-dire la projection sur une surface en relief, avec des ombres portées. Ces spectacles transforment par leur magie des lieux architecturaux renommés. Ils ont démarré avec la projection d’images fixes de dimensions monumentales, d’abord en analogique puis avec de la Projection d’images géantes informatisées (PIGI). La bascule vers la vidéo s’est produite il y a dix ans environ.

« L’image fixe demeure appréciée par exemple sur la cathédrale d’Amiens, illuminée par une projection polychromique par Ektachrome, qui offre une résolution beaucoup plus grande que la vidéo, s’enthousiasme Jean-Michel Quesne, créateur associé de Skertzò. Fixe ou animée, l’image se situe dans la continuité d’une tradition de la lanterne magique, de l’illusion en extérieur, avec un émerveillement, ressenti par les spectateurs, devenu beaucoup plus difficile à obtenir au cinéma. » Images animées, HD et depuis peu 4K, interaction, la technique évolue constamment en attendant la révolution du projecteur laser.

 

CONTENU MIXTE 2D/3D/VIDÉO

La création de ces images monumentales est conditionnée par la nature de la façade qui sert de support de projection, avec des surfaces vitrées, de la pierre plus ou moins sombre, des balcons, colonnes, etc. qui créent des ombres portées. De plus, le contenu de ces shows étant fréquemment des féeries ou des reconstitutions historiques, ces images aux résolutions hors normes sont le plus souvent générées sur ordinateurs en 2D ou 3D. Néanmoins, avec la banalisation des caméras HD et plus récemment 4K, de plus en plus d’éléments sont filmés. Ce que confirme le réalisateur Sylvain Legros : « Généralement la mise en lumière du bâtiment s’effectue à partir d’éléments 2D ou 3D, comme pour la Cité internationale de la dentelle et de la mode de Calais, avec de la dentelle scannée. Mais la vidéo est de plus en plus présente. Pour une scène de bataille projetée sur la muraille du Fort Risban datant des années 1300, des soldats ont été tournés sur fond vert, puis réinscrustés. »

Une autre tendance est la synergie entre des danseurs ou acteurs réels et la projection en arrière-plan. « La mise en scène devient protéiforme, confirme le scénographe Damien Fontaine. Pour le spectacle monumental Jeanne d’Arc, sur la basilique de Domremy, plus de 200 figurants et acteurs évoluent sur le parvis de l’Esplanade de la basilique, en osmose avec l’image en arrière-plan. » L’interaction temps réel, présente dans les spectacles vivants, s’invite dans le mapping géant, comme aux cérémonies d’ouverture et de clôture des derniers Jeux Africains, avec un système de tracking d’objets temps réel qui vient guider la projection.

 

NÉ DE LA MATRICE

Techniquement, un nouveau projet démarre par un relevé du site qui sert à créer des mires 2D du bâtiment puis à modéliser en 3D la façade (avec un logiciel type Maya, Cinema 4D ou 3DS Max) avec les colonnes, les fenêtres, les différentes avancées qui génèrent des ombres. L’illustrateur et directeur artistique Didier Florentz, qui travaille depuis cinq ans avec Damien Fontaine, précise : « Pour la 3D, nous utilisons 3DS Max ou Maya, Krakatoa pour les particules. Pour les personnages, la 3D est remplacée progressivement par un tournage sur fonds verts à la RED avec un détourage et incrustation dans After Effects ou Nuke. » Cette matrice 3D initiale servira pour la mise en scène et pour le calage de la projection. Ce repérage aide à définir le positionnement des vidéoprojecteurs, les obstacles, le placement des spectateurs et à choisir l’objectif (large ou long). La forme du bâtiment, son relief, les surfaces vitrées, les différentes matières et couleurs qui la composent, autant d’éléments à prendre en compte. « Cette matrice sert aussi pour privilégier l’action là où il n’y a pas de fenêtres, ajoute Sylvain Legros. L’image peut être calée sur Mac avec Madmapper et ce calage est vérifié en conditions réelles avant l’événement ». La valeur de la lumière en lux reçue sur la façade est quantifiée par le logiciel du fabricant des vidéoprojecteurs. « Avec cette indication et l’expérience, nous savons quel spectre de couleurs utiliser et comment fabriquer le contenu d’images » affirme Damien Fontaine. La grammaire de cet art monumental est spécifique. Il faut éviter les grandes masses blanches, prendre en considération la couleur de la pierre. La profusion de détails architecturaux peut rendre illisible les grands aplats de lumière et brouiller une gamme de nuances trop proches, obligeant à effectuer une surenchère de couleurs et de lumières… Les images finales, une fois calculées, sont découpées pour chaque projecteur par le prestataire et alimentent les serveurs médias équipés de logiciels spécialisés comme Modulo Pi ou 7thSense. Les prestataires ont souvent des serveurs développés en interne, comme ETC Audiovisuel qui a développé, pour les JO de Sotchi, son propre équipement. Les fabricants ont aussi une offre complète à l’exemple de Christie qui a racheté Coolux (Pandoras Box) ou de Barco qui propose toute une gamme co-développée avec le canadien Moment Factory, et qui grimpe jusqu’au nouveau XPR-600 délivrant 6 flux 4K.

 

PEU D’ÉLUS CÔTÉ FABRICANTS

Sur ce secteur très exigeant, trois principaux constructeurs se partagent le marché des vidéoprojecteurs, Christie, Barco et Panasonic. Les prestataires techniques sont aussi des spécialistes comme ETC Audiovisuel, VLS, Manganelli, Spectaculaires (groupe Dushow), Novelty… « Chez Christie, le modèle Boxer 4K 30 000 lumens, compact et puissant, est devenu depuis un an le standard. Il permet d’affiner le pixel mais demande des serveurs plus puissants » assure Damien Fontaine. Plus modestement, Sylvain Legros travaille au sein d’un collectif d’indépendants, qui se sont réunis l’an dernier dans une structure, We Are Craft, partenaire du loueur Novelty. Le collectif s’est équipé d’un Christie Roadster 20K, qu’ils utilisent en monoprojection sur des façades de 20 à 30 mètres de largeur. Un des grands prestataires techniques est ETC Audiovisuel, sollicité entre autres pour de nombreuses projections sur cathédrales comme Amiens, Beauvais, Reims, Rouen, Strasbourg, Chaumont… « Côté projecteurs, nous fournissons typiquement des Christie 20 K lumens. L’alimentation et la consommation électrique sont des critères essentiels. Pour ces raisons, les lampes Xenon, adaptées aux spectacles nécessitant du contraste, passent de mode du fait d’une durée de vie courte et laissent place aux lampes au mercure, à durée de vie plus longue » avance Fadil Aimetti, directeur d’ETC Audiovisuel.

Un autre prestataire est Spectaculaires, partenaire de Barco sur des projets de mapping vidéo, tant historiques sur bâtiment (Parlement de Bretagne, Place des Invalides, cour intérieure du Palais des Papes à Avignon en 2013…) qu’en spectacles vivants. Ils sont équipés de leurs propres serveurs et de leur propre logiciel d’éclairage. Le groupe Dushow qui compte Spectaculaires et Alabama a acquis récemment deux bêtes de course, des HDQ 4K 35 000 lumens. « Avec leurs 230 kg, ces vidéoprojecteurs ne sont pas toujours faciles à installer dans de vieux bâtiments, mais ils peuvent encaisser pour de gros événements ponctuels en extérieur, souligne Jean-Guy de Laforrest, directeur commercial chez Barco. En complément, des machines entre 50 et 90 kg et de 20 000 à 30 000 lumens, sont plus souples pour monter une installation multipoints.

En fonction de la forme du bâtiment, le ratio du projecteur a aussi son importance. Le 4/3 demeure le plus simple ainsi que le 16/10 ; en revanche le 16/9 fonctionne moins bien pour ce type d’applications ». 

 

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