Les nouveaux outils audiovisuels des universités : enregistrer les cours (partie 3)

La mise en ligne de nombreuses formations à distance, à travers la création de Mooc, pousse à la création d'une multitude de documents, dont énormément de vidéos. La diffusion de contenus pédagogiques sous cette forme est plébiscitée par les étudiants, leur offrant le moyen de retravailler chez eux les cours qu’ils suivent. Elle pallie également les contraintes liées à la taille des amphithéâtres (cf. les premières années des cursus médicaux) et à la répétition de cours sur plusieurs sites dispersés géographiquement. Dans cette troisième partie de notre dossier consacré aux outils audiovisuels des universités, nous abordons l’enregistrement vidéo de cours ou de modules de formation qui devient l’une des activités majeures des services audiovisuels ou de ceux chargés des TICE.*
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Depuis de nombreuses années, les services audiovisuels ont assuré la réalisation de nombreux reportages, documentaires ou témoignages recueillis auprès d’intervenants prestigieux, avec pour objectif des films de qualité destinés à une large diffusion.

À l’époque où les moyens techniques restaient peu accessibles, ces tournages étaient assurés par une équipe du service audiovisuel composée classiquement d’un réalisateur-journaliste, d’un opérateur image et d’un preneur de son qui accompagnaient le professeur ou l’équipe pédagogique à l’initiative du projet. Ces derniers assurant la caution scientifique du contenu et l’équipe technique effectuant un travail de construction et de mise en forme audiovisuelle du contenu.

Le tournage est effectué en mode monocaméra avec des outils de montage virtuel, selon des procédures traditionnelles. De nombreux services audiovisuels continuent à produire des documents selon cette méthode et une procédure qui a fait ses preuves aussi bien à l’université que dans la production indépendante.

Face à la croissance exponentielle de la demande de documents pédagogiques, il était impossible de généraliser ce mode de réalisation à la fois pour des questions budgétaires, mais aussi de moyens techniques et humains.

 

Le tournage multicaméra

Pour enregistrer des colloques ou des conférences avec des intervenants de renom, les services audiovisuels se sont dotés d’équipements de captation multicaméra. Ces matériels sont installés, soit à demeure dans des amphithéâtres avec des caméras PTZ sur tourelle, soit organisés sous forme de régies mobiles installées dans l’espace où se déroule l’événement. Les universités de Rennes, d’Angers ou de Nantes, parmi d’autres, effectuent régulièrement aussi des enregistrements de spectacles ou d’événements culturels dans leurs villes respectives. L’université de Tours s’est ainsi dotée de cinq régies mobiles semi-fixes, câblées en 12G/SDI avec du matériel Blackmagic.

Pour éviter de transporter toute la régie à chaque enregistrement, le CREA de l’université de Rennes 2 a déployé un précâblage en fibres optiques monomodes entre tous les amphis et le service audiovisuel de manière à travailler en remote production. Il suffit à l’équipe technique de déplacer un rack d’interconnexion auquel sont raccordées les caméras PTZ et la sonorisation de l’amphi.

Le mixage des sources et l’enregistrement sont réalisés par l’équipe technique depuis la régie fixe de production installée au service audiovisuel. Il exploite selon les cas un système de transport Mediornet de Riedel ou un jeu d’interfaces optiques étudié sur mesure et fabriqué par Fougerolle. Le CREA avait déjà l’habitude d’exploiter des transmissions sur fibres optiques puisqu’il réalise régulièrement des directs depuis l’Opéra de Rennes ou des événements de musique actuelle grâce au réseau optique FOR qui dessert toute la métropole rennaise.

 

Selon les situations et les universités, le dispositif de captation multicam est adapté en taille et en équipe technique selon l’enjeu de l’enregistrement. Pour la captation d’un cours récurrent, une seule caméra sera exploitée avec l’incrustation en PIP du Powerpoint utilisé par le professeur comme trame de son cours.

La demande d’enregistrement des cours magistraux a été initiée par les facultés de médecine. En première année, le nombre d’étudiants dépasse largement les capacités d’accueil des amphithéâtres, lesquels peuvent contenir au maximum 500 places. Il a fallu trouver des solutions pour dédoubler (voire plus) les cours magistraux. Par exemple, le cours est retransmis en direct dans un second amphi à proximité, comme à Tours, avec la transmission simultanée de plusieurs signaux en streaming, pour offrir une configuration d’affichage identique à celle de l’amphithéâtre principal (un vidéoprojecteur pour les slides et un second pour l’image du professeur).

 

Dans d’autres situations, comme à Angers ou à Rouen, la retransmission en Live est destinée à des sites distants. Les responsables en profitent alors pour enregistrer le cours et le rediffuser en différé pour les absents via le service de VOD.

Ce large développement des enregistrements pour les cours de médecine a donné des idées à d’autres composantes ou UFR des universités. La demande augmente sans cesse. Les moyens en personnel des services audiovisuels ne sont pas extensibles et les équipes techniques ne sont pas toujours désireuses d’assurer ces tâches fort répétitives.

 

Les enregistreurs de cours

Les professeurs utilisent de manière régulière une présentation de type Powerpoint pour illustrer leur propos. Pour répondre à ce besoin d’enregistrement associé à une PréAO, des constructeurs innovants ont créé un nouveau type d’outils, les enregistreurs de cours. Ils associent un mini mélangeur vidéo simplifié à deux entrées – une pour la caméra et une pour le micro-ordinateur –, un système d’enregistrement audio/vidéo et un encodeur de streaming pour la diffusion Live en IP. Ils effectuent un mixage simplifié avec, soit passage en cut d’une source à l’autre, soit un effet PIP associant l’image du professeur et le contenu du Powerpoint.

Plusieurs systèmes sont proposés par des constructeurs d’origine américaine qui associent l’outil de captation à des serveurs de diffusion intégrés à leurs offres. Outre le coût du service assez élevé, les universités françaises sont assez réticentes à un stockage des contenus hors de France et ces offres sont assez fermées d’un point de vue technique.

 

D’autre part, elles disposent de moyens et d’infrastructures informatiques sur lesquelles elles peuvent s’appuyer pour exploiter ce type de services. Ces offres n’ont pas rencontré de succès en France, ce qui a permis à des start-up françaises de développer des outils originaux en s’adaptant aux spécificités locales. Deux sociétés sont très présentes sur ce marché, Inwicast et Ubicast. Un troisième acteur est apparu plus récemment, Omnilive.

L’université François-Rabelais à Tours exploite plusieurs systèmes de captation automatisée Inwicast Box. Jean-Philippe Letourneur, à la direction de la production numérique et multimédia du pôle audiovisuel, détaille son fonctionnement : « Au début de son cours, le professeur se connecte sur le système, avec son identifiant et son mot de passe. Il démarre l’enregistrement avec un simple bouton Rec/Stop. Il est filmé par une caméra en fond de salle. Le système capte le flux vidéo et indexe les changements de diapos de la PréAO. » Tout le système fonctionne en local, mais dès la fin de l’enregistrement, il peut publier immédiatement son cours sur la plate-forme de diffusion.

 

De son côté, Olivier Lefebvre, ingénieur techno pédagogique au Service des usagers du numérique à l’université de Rouen-Normandie, a aussi été confronté à l’explosion de la demande pour assurer la diffusion des cours de formations de santé. L’emploi de moyens traditionnels représentait une trop grosse charge de travail pour son service. Il souhaitait également unifier et regrouper les outils de diffusion et de consultation éparpillés sur plusieurs serveurs séparés avec des technologies différentes.

Après avoir examiné les différents systèmes disponibles sur le marché, Olivier Lefebvre a choisi d’équiper l’université avec le système Ubicast. Il explique son choix : « Je souhaitais une solution homogène couvrant les besoins de la captation jusqu’à la diffusion et la mise en ligne sans aucune intervention technique. Le système d’Ubicast couvre l’ensemble du processus. Il reste ouvert vers l’extérieur grâce à l’ajout d’API spécifiques et s’intègre donc dans le système d’information de l’université. »

Comme pour l’outil d’Inwicast, le professeur s’identifie, choisit l’un des presets de réglages (cadrage, type de micro…) et démarre l’enregistrement. L’une des forces du système Ubicast réside dans l’indexation complète du contenu textuel des slides grâce à une technologie OCR (reconnaissance de caractères) et la pose de tags à chaque changement de diapositive. Cela offre un confort sans égal pour naviguer à l’intérieur de l’enregistrement et se caler sur un point particulier sans naviguer à l’aveugle. À la fin de l’enregistrement, le professeur choisit un profil de diffusion et le contenu est transféré vers le serveur de diffusion.

 

L’université de Rouen a déployé seize systèmes Ubicast sur ses sept sites d’enseignement, dont onze installés à poste fixe, deux mobiles et trois pour des enregistrements en mode autocapture. Sur l’année universitaire 2016-2017, ils ont servi à la captation de 328 heures de programmes consultables par les étudiants et à la diffusion en direct de 511 heures de cours. Le service des usagers du numérique a formé une trentaine d’enseignants à son exploitation.

Omnilive propose également un outil de captation et de diffusion de cours, mais avec une démarche originale de diffusion multiflux. Des études menées par le MIT ont montré que l’affichage mono-écran, même avec un dispositif multicaméra limite l’attention du spectateur ou de l’apprenant, car son attention doit se focaliser sur un cadre fixe délimité. Il subit aussi les commutations effectuées par le réalisateur qui suit sa propre logique. Les chercheurs ont constaté qu’il fallait au moins quatre points de vue pour aider à la compréhension d’un cours ou d’une conférence.

 

En 2014, le MIT a consulté la société pour concevoir un système de transmission multiflux. Le système créé et breveté par Omnilive encode simultanément les images de quatre caméras, dont les images sont multiplexées dans un flux unique mp4. Le destinataire reçoit les quatre sources en mode PIP à droite de son écran et il choisit par un simple clic la source qu’il souhaite voir en plein écran, au gré de sa compréhension du cours et pour l’aider à reconstruire son raisonnement. Comme les quatre sources sont multiplexées dans un flux unique, la commutation est instantanée, contrairement à un système classique de streaming qui va mettre plusieurs secondes.

La grande force du système développé par Cyril Zajac et son équipe réside dans un encodage totalement standardisé et compatible avec tous les systèmes de streaming vidéo : serveurs, réseaux IP, et navigateurs web HTML5 avec un débit de 2 Mb/s. Aucune installation spécifique n’est requise sur le poste de consultation. Le système Omnilive est utilisé, entre autres, au MIT, à l’Ina et à l’université Pierre et Marie-Curie.

 

Les systèmes d’autocaptation

Les cours magistraux sont planifiés sur une base horaire, comme de nombreuses conférences. Leur captation aboutit à des enregistrements d’une heure au minimum, quand ce ne sont pas plusieurs heures. Et ceci avec très peu de variations dans le cadrage et la réalisation vidéo. À moins d’être passionné par le sujet, l’ennui gagne assez vite l’auditeur. L’expérience retirée de la diffusion des Mooc a montré que les modules vidéo doivent être beaucoup plus courts, de l’ordre de cinq à dix minutes, et centrés sur un thème unique.

Pour créer ces modules, les outils classiques de réalisation vidéo sont tout à fait adaptés, mais exigent des moyens techniques et surtout du temps. Pour enregistrer des démonstrations de logiciels, des développeurs ont conçu des outils de screencast qui enregistrent, sous forme vidéo, toutes les actions effectuées sur l’écran de l’ordinateur. Ce principe a été repris en y ajoutant l’image du formateur capté par sa webcam.

Une multitude de logiciels et d’outils sont disponibles pour capturer de manière autonome une intervention avec ou sans slides Powerpoint. Pour éviter aux enseignants d’installer des outils dédiés sur leurs machines, les plates-formes d’enregistrement de cours ou de gestion de Mooc proposent des outils d’autocaptation depuis un navigateur web.

 

Après avoir préparé les documents d’accompagnement à afficher durant son cours, l’enseignant se connecte au service, s’enregistre via sa webcam et lance l’affichage de ses documents. Le tout est enregistré localement ou sur le serveur central. À la fin de l’enregistrement, il peut effectuer une lecture de validation, raccourcir ou éliminer des parties insatisfaisantes et, selon les versions, indexer les contenus, ajouter des annotations, des sous-titres, des liens externes et même des éléments de Rich Media.

Pour répondre à toutes les situations d’enregistrements autonomes, Inwicast et Ubicast proposent des versions portables de leurs enregistreurs de cours. Par ailleurs, ils ont développé, sur leurs serveurs de diffusion, des portails d’autocaptation accessibles depuis un navigateur web. Ainsi, un enseignant peut enregistrer son cours depuis n’importe quel lieu sans matériel ni logiciel spécifique.

 

Benoît Roques constate, comme beaucoup d’utilisateurs, le côté statique de la mise en forme de ce type de documents. Dans le cadre du PMF Lab de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, décrit plus haut, il a installé un plateau dédié à l’enregistrement de cours en mode individuel. Mais il souhaite aller au-delà en rendant le contenu plus dynamique, avec des annotations ou des éléments graphiques ajoutés à la volée sans exploiter des outils d’incrustation complexes. Il teste des systèmes basés sur des tablettes tactiles offrant au professeur le moyen d’animer simplement en direct les éléments graphiques affichés au cours de son intervention.

Pour éviter cet affichage en double fenêtre PIP, Inwicast a lancé RapidMooc, un système complet associant un enregistreur de cours portable et un fond vert. Les slides de la présentation sont diffusés en mode plein écran en permanence et le professeur est incrusté en superposition. Le système est totalement intégré sur un chariot pour écran LCD avec la caméra PTZ fixée en haut de la colonne.

D’après Fabrice Mercier, fondateur et directeur d’Inwicast, le RapidMooc rencontre un véritable succès auprès des services formation des entreprises, et supplante même les systèmes d’enregistreurs de cours.

 

* Extrait de notre dossier paru pour la première fois dans Sonovision #8, p. 14-21. Abonnez-vous au magazine Sonovision (1 an • 4 numéros + 1 hors-série) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.

 

La suite de ce dossier sera publiée dans les prochains jours.

Les deux premières parties sont respectivement en ligne ici et .