Affichage dynamique – Les évolutions dans les cinémas

Suite et fin de notre série d’articles* portant sur l’affichage dynamique, appelé aussi « Digital Signage » (DS), devenu un outil de communication à part entière. L’équipement des salles de cinéma est en pleine mutation. Il y a deux ans de cela, les principaux fabricants décidaient de cesser la production d’écrans plasma, trop gourmands en énergie. Deux procédés se partagent désormais le marché : le LCD et le Led.
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Les deux solutions, LCD et Led, reposent sur le même principe d’éclairage, les diodes Led. Mais dans le cas des écrans LCD (Liquid Crystal Display), ces diodes servent à illuminer les pixels façonnés par les cristaux liquides, alors que dans le cas des dalles Led, chaque diode est à la fois un point de l’image (un pixel) et la source de son éclairage (« LED » est l’acronyme de Light Emitting Diode).

La dimension et la résolution des écrans LCD continuent à progresser. L’un des moniteurs que Nec présentait cette année à CinéEurope illustre cette évolution : il s’agit d’un écran de 98 pouces (1,6 mètre de longueur sur 1,2 mètre de hauteur) en résolution 4K. Mais les changements les plus frappants se situent au niveau du cadre des écrans qui devient presque invisible : la faible épaisseur du bezel (terme technique désignant l’encadrement) permet quasiment aux moniteurs de se fondre aux murs sur lesquels ils sont exposés. Même chose en ce qui concerne les bords du cadre : leur largeur peut être infime (jusqu’à 1,5 mm). Michel Jacob, directeur de NEC France, explique que les délimitations entre les écrans LCD sont ainsi rendues imperceptibles lorsque ces derniers sont regroupés dans des murs d’images.

De leur côté, les dalles Led progressent en résolution : le pitch (distance qui sépare le centre de deux pixels voisins) diminue sensiblement. Généralement compris entre 4 et 20 mm sur les dalles destinées à l’affichage intérieur, il descend désormais jusqu’à 1,5 mm (le pitch des dalles placées à l’extérieur est plus grand – entre 10 et 34 mm –, une forte résolution étant rarement nécessaire pour les écrans outdoor, plutôt conçus pour être vus de loin).

Ces évolutions rapprochent toujours plus les performances des écrans LCD de celles des dalles Led. Cela signifie-t-il pour autant que l’on peut maintenant utiliser les deux technologies indifféremment ?

Pour François Huot, le PDG de Sonis, les dalles Led restent la meilleure option pour les grandes surfaces d’affichage, surtout quand elles sont placées à l’extérieur, vu qu’elles restent beaucoup plus performantes en luminosité. François Huot juge, en contrepartie, qu’il faut continuer à privilégier les écrans LCD quand l’affichage exige une grande précision (textes en petits caractères par exemple), car la résolution des dalles Led est encore insuffisante pour ce type d’usage, malgré les progrès substantiels réalisés.

 

Disparition des players et de la connexion réseau

Jusqu’à présent, il fallait associer un player à chaque écran. Ce mini-serveur, qui assure à la fois le stockage et la lecture des programmes et qui constitue la partie la plus fragile des dispositifs d’affichage (du fait notamment de sa sensibilité à la chaleur), est maintenant en voie de disparition.

Le SOC (System On Chip) a commencé à remplacer le player : c’est une puce incorporant une mémoire et un microprocesseur puissant, capable de gérer toutes les opérations liées au traitement de l’image. Grâce à ses dimensions minimes, le SOC peut être placé directement dans le moniteur, ce qui permet aux fabricants de proposer des solutions d’affichage tout-en-un.

Pour booster la taille de sa mémoire, le SOC peut être couplé à une carte SD. Une carte de 128 giga-octets permet de satisfaire la plupart des besoins des salles, 70 à 80 % des écrans dans le cas des cinémas équipés par Sonis d’après François Huot : « C’est une solution parfaite pour les écrans de la caisse et du guichet confiserie qui affichent principalement des images fixes et du texte. Mais c’est encore insuffisant pour alimenter les écrans qui diffusent une très grande variété de séquences d’images animées en haute résolution. »

Le SOC, qui est moins cher qu’un player et peut être directement installé dans les écrans, constitue un vrai progrès pour l’affichage dynamique, mais des problèmes de fiabilité subsistent avec cette nouvelle technologie, lesquels ne concerneraient toutefois que quelques fournisseurs, d’après François Huot.

Le dispositif de raccordement des écrans est, lui aussi, en pleine évolution. Il faut normalement deux câbles pour faire fonctionner un moniteur : un pour l’alimentation électrique, l’autre pour la connexion au réseau (par laquelle l’écran est alimenté en programmes). Cette deuxième connexion est vouée, comme le player, à disparaître car les nouveaux écrans peuvent embarquer un système wi-fi permettant de télécharger les programmes (sans liaison filaire). En rendant le câblage réseau inutile, le wi-fi simplifie considérablement l’installation des écrans. Cette connexion permet en outre à l’affichage dynamique d’assurer de nouvelles fonctions.

 

Les nouveaux usages de l’affichage dynamique

• Analyse des flux de spectateurs

Grâce aux progrès des techniques de reconnaissance faciale (malheureusement stimulés ces dernières années par la recrudescence du terrorisme), il devient possible d’étudier les flux de clientèle dans les salles sans recourir à des outils sophistiqués.

Étant donné que l’analyse biométrique est maintenant efficace sur des images de basse qualité, une caméra standard peut être couplée à un système d’affichage dynamique pour établir le profil des spectateurs qui passent devant l’écran : sexe, âge (avec une précision d’à peu près cinq ans) et degré d’attention porté aux programmes diffusés (le logiciel peut détecter qui regarde l’écran et combien de temps).

Ces informations servent à analyser l’efficacité de l’affichage dynamique quand il est utilisé à des fins publicitaires. Mais elles peuvent être utilisées autrement : le dispositif de reconnaissance peut être, par exemple, placé à l’entrée d’une des salles d’un cinéma pour déterminer le sexe et l’âge des spectateurs qui assistent aux premières séances d’un film donné. Si ces données sont collectées simultanément dans un nombre significatif de cinémas qui sortent le film, le distributeur peut disposer d’informations fiables sur le profil de son public dès le début de l’exploitation, sans avoir à mener une enquête en sortie de salles.

• Les autres usages du wi-fi

Deux technologies sans fil permettent d’établir des connexions de proximité avec les téléphones portables des spectateurs dans les cinémas : le wi-fi, qui peut donc être intégré dans les écrans d’affichage dynamique, et le Bluetooth. Cette deuxième solution est plus abordable, mais moins efficace : d’après Bluefox, l’un des leaders américains de l’affichage dynamique, seulement 10 % des utilisateurs laissent l’option Bluetooth activée en permanence sur leur smartphone, alors que la proportion monterait à 75 % dans le cas du wi-fi.

Pouvoir communiquer avec les téléphones portables des trois quarts des spectateurs dans un cinéma ouvre la voie à des applications variées (même si on exclut celles que le public peut juger intrusives) : analyses de flux (basées sur le numéro d’identification du téléphone portable), transmission d’informations sur la programmation à venir… S’y ajoutent les applications qui donnent, dans l’autre sens, aux spectateurs la possibilité d’interagir avec les systèmes d’affichage dynamique des cinémas : jouer à des jeux vidéo, répondre à des questionnaires ou à des quizz, envoyer des messages ou des selfies sur les écrans…

Les prestataires de l’affichage dynamique sont partagés sur l’intérêt d’exploiter l’interactivité. Certains jugent que son utilisation par les spectateurs risque de provoquer des attroupements autour des écrans et donc de nuire à la fluidité des déplacements dans les halls. Pour d’autres, il serait dommage de ne pas explorer les potentialités de ce service supplémentaire que les cinémas peuvent offrir à leurs spectateurs. C’est notamment la position de Patrick Muller, le directeur général de Cinemeccanica, qui commercialise la solution d’affichage dynamique Puzzle (et qui a repris l’an dernier les activités de l’un des plus anciens prestataires du secteur, Euro Interactif).

 

Évolution de la programmation des écrans

Si elle se développe, l’interactivité pourrait faire évoluer sensiblement la programmation des écrans des halls ; mais d’autres types de changement sont possibles.

• Le « lobby domination »

Ce concept, que vient de lancer Barco, consiste à mener une campagne de promotion synchronisée en faveur d’un film sur l’ensemble des écrans d’affichage dynamique d’un hall. Des tests sont en cours dans un multiplexe du circuit Regal à Los Angeles.

Greg Patrick, responsable de la division Entertainment de Barco, explique le concept de la façon suivante : « Aux États-Unis, les spectateurs passent en moyenne 12 minutes dans le hall avant d’entrer dans la salle. Parmi eux, figure une bonne part du public des films qui sortiront dans les semaines ou les mois à venir. Cela justifie pleinement d’engager des moyens exceptionnels pour promouvoir les prochaines sorties. »

« À intervalles réguliers, suffisamment rapprochés pour toucher le plus grand nombre de spectateurs, tous les écrans du lobby sont mobilisés pour faire la promotion du même film. Des séquences d’images spécifiques (animées ou fixes) sont assignées à chaque écran en fonction de ses caractéristiques (affichage en mode portrait ou en mode paysage, mur d’images) et de sa position dans le lobby. Une véritable scénographie est conçue pour chaque film. »

Ajoutons que la diffusion des images s’accompagne d’une bande son et d’un jeu de lumières, eux aussi spécifiques (comme le reste du matériel d’affichage dynamique, les projecteurs de lumière sont fournis par Barco qui a racheté récemment une société spécialisée dans l’éclairage scénique). Pendant quelques minutes, le hall du cinéma est donc intégralement habillé avec les images, les couleurs et les sons du film. Chaque séquence est annoncée par un compte à rebours qui défile sur tous les écrans pour capter l’attention des spectateurs.

Une division de Barco installée à Sacramento en Californie conçoit ces animations en concertation avec les distributeurs. C’est là que les séquences seront adaptées aux spécificités de chaque pays (langue, date de sortie…) quand le lobby domination sera lancé hors des États-Unis.

Les coûts d’équipement et de fonctionnement du lobby domination sont bien sûr conséquents. Comme ils ne peuvent pas être supportés uniquement par les exploitants, Barco compte sur un financement complémentaire des studios aux États-Unis.

Le concept du lobby domination ne fait pas l’unanimité parmi les prestataires traditionnels de l’affichage dynamique. Certains doutent que les distributeurs acceptent de payer pour cette nouvelle forme de promotion. Ceux qui, comme Patrick Muller de Cinemeccanica, jugent le concept porteur anticipent des déclinaisons moins sophistiquées qui permettront de mettre le lobby domination à la portée d’un plus grand nombre de salles.

• Parler d’autre chose que de cinéma sur les écrans d’affichage dynamique des halls peut-il avoir un intérêt ?

François Huot conclut des expériences tentées par Sonis qu’il n’est pas simple de sortir de l’univers du cinéma. Les spectateurs apprécient, par exemple, quand des informations en lien avec l’actualité (résultats des grandes compétitions sportives…) s’affichent en surimpression sur les écrans, mais elles les détournent trop du cœur de la programmation.

Il peut être, en revanche, porteur de diffuser des informations indirectement liées à la sortie cinéma : état du trafic routier aux alentours de l’établissement, heures de passage des bus… Ces informations sont d’autant plus pertinentes qu’elles peuvent inciter le public à rester plus longtemps dans l’enceinte du cinéma après la séance.

* Article extrait du dossier « Les évolutions de l’affichage dynamique » paru, pour la première fois, dans Sonovision #4, pp. 26-36. Soyez parmi les premiers à recevoir dès sa sortie notre magazine papier en vous abonnant ici